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DE NOUVELLES MESURES ANNONCÉES POUR LUTTER CONTRE LE RACISME, L’ANTISÉMITISME ET LES DISCRIMINATIONS

Si le Plan comporte des mesures intéressantes, France urbaine appelle à une véritable ambition pour s’attaquer à la racine à ces problématiques.

NON aux discriminations

Dévoilé le 30 janvier 2023 à l’Institut du monde arabe par la Première ministre, Elisabeth Borne, le plan comporte plusieurs dispositions visant à lutter contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations : il vient compléter et renforcer les mesures annoncées en 2018, qui ont laissé sur leur faim de nombreux acteurs sociaux et des associations. Il s’inscrit dans le prolongement des réflexions du groupe de travail « Lutte contre les discriminations » récemment installé par France urbaine.

Ce plan triennal de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine 2023-2026 comporte 80 mesures et se veut l’aboutissement d’une concertation engagée en septembre dernier avec les associations et institutions indépendantes pour contrer les discours racistes, antisémites et comportements discriminatoires, qui sont autant d’entorses au principe républicain d’égalité des chances. Le plan insiste largement sur les discriminations dans l’accès à l’emploi et au logement.

Emploi : une situation connue, une impulsion à donner

En 2020, près d’un quart des personnes actives déclaraient avoir vécu une discrimination ou un harcèlement discriminatoire, selon le Défenseur des droits. L’ancien garde des Sceaux et Défenseur des droits, Jacques Toubon, évoquait alors une « discrimination systémique », pour qualifier la situation française. Le Conseil d’analyse économique (CAE) estimait, dans une étude parue en 2020, qu’une réduction modeste des écarts de taux d’emploi et de salaire entre les populations discriminées en raison de leur sexe ou de leur origine ethnique rapporterait 7% du PIB en 20 ans, soit 150 milliards d’euros à la France.

Pour lutter contre ce phénomène désormais bien documenté, le gouvernement souhaite renforcer le testing, méthode qui consiste à envoyer pour la même offre d’emploi deux CV identiques, avec comme unique différence l’origine du candidat. L’exécutif entend ainsi « organiser des testings réguliers dans différents secteurs d’activité, privés et publics, selon des modalités qui seront construites avec les acteurs (organisations syndicales et patronales, associations, autorités publiques concernées) ».
Par ailleurs, Elisabeth Borne s’est déclarée décidée à aller au-delà du « name and shame » qui revient à publier le nom des entreprises considérées comme mauvaises élèves. Celles-ci pourraient être sanctionnées financièrement, avec des amendes civiles « dissuasives » pour les employeurs discriminants, en sus de la condamnation à la réparation du préjudice de la victime. Ces futures sanctions, dont les modalités d’application et de mise en oeuvre restent encore à préciser, pourraient alimenter un fonds destiné à financer des actions de groupe contre les discriminations, actions de groupe que le gouvernement souhaite rendre plus opérationnelles.

La Fonction publique en première ligne

En parallèle du secteur privé, la Fonction publique est mise à contribution. Pour lutter contre les processus de recrutement litigieux et, plus largement, contre les discriminations subies au travail, le plan propose de former l’intégralité des agents de l’État en fonction aux questions de racisme et de discriminations. Pour cela, le gouvernement invite le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et l’Association nationale pour la formation permanente du personnel hospitalier (ANFH) à « décliner des formations de même nature auprès des agents publics territoriaux et hospitaliers ».

Des sanctions sont prévues en cas d’infractions non publiques à caractère raciste ou antisémite commises, dans l’exercice de leur fonction, par des personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public… à l’horizon 2026. Des évolutions à suivre qui pourraient concerner également les délits de faciès, régulièrement dénoncés par les associations : selon un rapport sur la lutte contre les discriminations dans l’action des forces de l’ordre commandé par le Ministre de l’Intérieur, 40 signalements pour délit de faciès lors d’une opération des forces de l’ordre ont été faits auprès de la police nationale entre mars 2019 et décembre 2020.

Lutter contre les discriminations dans l’accès au logement

Comme en matière d’emploi, le gouvernement met l’accent sur la pédagogie, la formation et le testing pour changer les comportements. Partant, il souhaite s’inspirer de la convention conclue en décembre dernier entre SOS Racisme et la Fédération Nationale de l’Immobilier (FNAIM) pour mettre en place un dispositif de testing-contrôle-formation visant les agents immobiliers et les administrateurs de biens.

Une circulaire est aussi prévue à l’attention des préfets, pour souligner l’importance de vérifier l’absence de discrimination liée à l’origine, dans le cadre de la gestion des demandes de logement social. Néanmoins, cette mesure ne couvre les biens vendus par les propriétaires particuliers. Les inégalités d’accès au logement sont soulignées et connues des différents acteurs. Selon une enquête sur les discriminations dans l’accès au logement publié en 2016 par le Défenseur des droits, le logement est perçu comme l’un des domaines les plus sujets aux discriminations (46%), après l’emploi (47%) et les contrôles de police (50%).

S’inspirer des bonnes pratiques locales

Au total, la feuille de route proposée, si elle emporte des mesures intéressantes à confirmer sur la durée, manque d’un portage politique fort et d’une réelle ambition pour s’attaquer à la racine à ces problématiques. Il est à noter que le plan fait l’impasse sur les initiatives identifiées et déclinées dans les grandes villes et métropoles, à l’instar de VilleurbanneRennesStrasbourgParis ou Toulouse. Ce sont pourtant autant de leviers à mobiliser pour faire évoluer durablement et structurellement les pratiques.

Photo : © Nantes Métropole

 

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