Quel bilan pour la COP15 Biodiversité ?

Le 15e sommet mondial sur la diversité biologique a eu lieu du 7 au 19 décembre 2022 à Montréal, au Canada, sous la présidence chinoise.
La France était l’un des pays les plus représentés lors de la COP15 Biodiversité, avec la présence de quatre ministres sur place. Les décisions issues de cette rencontre mondiale, dont l’Accord cadre Kunming-Montréal, pourraient insuffler un élan politique mondial en faveur de la biodiversité, comparable à celui de l’Accord de Paris pour le climat, selon la secrétaire exécutive de la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) qui estime que le cadre mondial de la biodiversité répond dans les grandes lignes à ses alertes.
Un accord conclu malgré un contexte difficile
La COP15 s’est inscrite dans un contexte particulier qui laissait présager des craintes quant à l’aboutissement de décisions majeures en faveur de la biodiversité : relative indifférence médiatique en pleine Coupe du monde de football, fond de défiances fortes des pays en voie de développement vis-à-vis des pays développés, absence des chefs d’Etat et des Etats-Unis, une présidence chinoise silencieuse. Malgré cela, après de longues négociations, un accord proposant des leviers et des ressources pouvant aboutir à de réels changements structurels a été conclu.
Quels objectifs fixés ?
Le cadre mondial Kunming-Montréal, salué pour sa reconnaissance de l’importance des peuples autochtones et de leurs droits, pousse à accélérer les efforts à travers quatre objectifs et vingt-trois cibles. Parmi les plus notables, l’intégration de l’objectif 30X30 notamment porté par la France et l’Union européenne qui est « d’assurer et permettre que, d’ici à 2030, au moins 30 % des zones terrestres, des eaux intérieures et 30 % des zones côtières et marines (…) soient effectivement conservées et gérées par des réseaux d’aires protégées écologiquement représentatifs, bien reliés entre eux et gérés de manière équitable ».
En France, la possibilité très critiquée d’obtenir des dérogations pour continuer à utiliser les néonicotinoïdes pour les cultures betteravières jusqu’en 2023 ne sera pas prolongée au-delà de cette date selon Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires.
Sur le volet économique, une réduction des subventions néfastes pour la biodiversité est appelée de manière progressive d’au moins 500 milliards de dollars par an d'ici 2030. Il est également attendu de mobiliser au moins 200 milliards de dollars d’ici 2030 pour la biodiversité de toute source, dont des flux d’aide publique au développement de 20 milliards en 2025 et 30 milliards de dollars en 2030 pour les pays en développement. Un fonds spécial pour la période 2023-2030 devrait être créé rapidement, sous l’égide du Fonds pour l’environnement mondial (FEM), ce qui ne devrait tout de même pas éluder la question d’une réforme du FEM, quasiment induite par les discussions de l’accord selon Christophe Béchu, afin de répondre aux nombreuses insatisfactions, notamment de pays africains francophones qui déplorent des procédures lentes et complexes rendant très difficile l’accès à des fonds.
Alors que le cadre vise à « galvaniser une action urgente et transformatrice par les gouvernements, les gouvernements locaux et infranationaux, et avec la participation de l'ensemble de la société », France urbaine rappelle que ce ne pourra être un succès qu’à la condition d’une volonté politique forte de coopération et collaboration multiniveaux, accompagnée de moyens à la hauteur des enjeux pour les collectivités. Il faut savoir par ailleurs que la cible 12 concerne directement les villes et appelle à accroître sensiblement la superficie, la qualité et la connectivité des espaces verts et bleus dans les zones urbaines et densément peuplées, ainsi que l’accès à ces espaces et les avantages qu’ils procurent de manière durable.
Aussi, la cible 14, qui vise la déclinaison territoriale des objectifs, demande d’assurer « la pleine intégration de la biodiversité et de ses multiples valeurs dans les politiques, les réglementations, les processus de planification et de développement, les stratégies d’éradication de la pauvreté, (…) à tous les niveaux de gouvernement et dans tous les secteurs (…) ». Des réflexions ont été lancées à l’initiative de la capitale allemande, en collaboration avec d’autres villes internationales, pour opérationnaliser localement les principes de Kunming-Montréal avec un texte qui pourrait s’appeler le pacte de Berlin.
Des points de vigilance persistent
Si un large travail sur les modalités et critères de nombreuses cibles reste à mener, l’absence de la notion d’empreinte carbone ou de limites planétaires, ou le fait que des cibles ne sont pas quantifiées, notamment pour la gestion durable des secteurs agricoles, sont à noter comme des points de vigilance. Alors que le monde de l’entreprise était fortement représenté au sommet mondial, la cible 15 revêt une importance particulière car elle encourage les entreprises et institutions financières, surtout les plus importantes, à faire l’évaluation transparente de leurs dépendances et impacts sur la biodiversité. Si cela peut être considéré comme une bonne nouvelle, en attendant les possibles nuances de la traduction française, France urbaine souligne l’aspect volontaire de cette cible.
Un Sommet des gouvernements infranationaux et des villes utile
France urbaine salue la tenue du 7e Sommet des gouvernements infranationaux et des villes qui a eu lieu du 11 au 12 décembre 2022, à l’initiative du réseau transnational des gouvernements locaux ICLEI, et organisé conjointement avec le pays hôte et la présidence, en parallèle de la COP15. L’association salue également l’engagement fort de la Maire de Montréal qui a été très présente pour porter la voix des villes aux deux rencontres mondiales. Elle a ainsi ouvert le 7e sommet en déclarant que « Les villes et les gouvernements infranationaux veulent en faire plus, et pour ça, il faut avoir des ressources et qu’on soit consultés ». Avec plus de 1200 maires et représentants infranationaux inscrits, pour un total de 237 villes provenant de 69 pays, dont les villes de Paris et Marseille, le sommet a permis aux villes présentes de s’inspirer entre elles à travers le partage de leurs expériences et de faire remonter leurs préoccupations.
Demandant notamment des réformes de l’infrastructure financière afin d’avoir un accès facilité et direct à des financements, un Appel au Financement de la Nature pour des Villes et Régions Durables, relayé à la COP15, a par ailleurs été lancé par quinze villes du monde entier dont Paris, soutenu par une dizaine de partenaires tels que le programme des Nations unies pour l'environnement.
En France, le « Fonds vert », qui sera bientôt effectif, est doté de 2 milliards d’euros de crédits déconcentrés aux préfets pour le financement des projets présentés par les collectivités territoriales et leurs partenaires publics ou privés, dont 150 millions d’euros qui devraient être fléchés sur la biodiversité.
Et maintenant ?
Au sein du processus de suivi proposé, le cadre prévoit une analyse des Stratégies et Plans d’Action Nationaux pour la Biodiversité (SPANB) lors de chaque COP. Ainsi, avant la COP16 de 2024, les gouvernements sont invités à communiquer leurs stratégies et à préparer des plans de financements associés. L’intégration des contributions non-étatiques fait partie des éléments à déterminer. Suite à l’analyse globale des SPANB et cibles nationales, les pays pourront volontairement augmenter leur ambition et demander des examens individuels. Un bilan global des progrès est prévu pour la COP17 en 2026 et la COP19 en 2030.